Comprendre le conflit
Les conflits sont partout, toujours, entre tout ceux qui sont en interaction, y compris quand il n'y a qu'un seul individu, en son intérieur dans chaque choix, chaque décision, chaque mouvement. Ils sont dans la plupart des cas imperceptible, paisible, utile pour confronter des pour et des contres, des oui et des non. Ils restent immergés dans l'océan du "normal". Parfois, les normes pètent et un minuscule bout de l'iceberg émerge. "La hache de guerre est déterrée". Le conflit devient un tout petit peu visible à travers des signes inhabituels: Des vagues qui se contorsionnent un peu plus; des visages qui se ferment; des silences subites; des voix connues calmes qui se haussent d'un coup; Des échanges de noms d'oiseaux. Des bouts noirs de rochers apparaissent sur l'étendue tranquille du fleuve.
Ces signes indiquent que l'on vit des moments tendus mais réversibles avec des sages interventions. Sages par la nature et le profil de la médiation; sages par la justesse et le tact dans la démarche; sages par la durabilité de la solution visée. L'insistance ici sur la sagesse du médiateur s'explique par la complexité de la médiation dans un "jeune" conflit. C'est un moment difficile mais où on peut quand-même encore "fumer le calumet de la paix". Les paramètres du conflit sont, à ce moment, difficilement cernés, entre les acteurs de premier plan et les influenceurs qui tirent les ficelles dans les ombres, les références historiques des opposés, les opposants à la paix et leurs intérêts, les coûts de la paix, en démarche et en conséquences, les textes, les normes et les stéréotypes à considérer...mais le plus difficiles est qu'en ce moment chaque belligérant croit être le plus fort, le gagnant par la force.
Hélas, le monde laisse trop passer ce stade déterminant des conflits sans agir. Alors le conflit éclate au grand jour, la folie de l'individu apparaît et il s'auto-mutile ou refuse de se laver. Les coups physiques, sociaux, économiques, militaires, psychologiques, mystiques se distribuent à découvert entre entité. La quête de nuisance se conduit à visage découvert avec ses blessures, ses déplacés, ses réfugiés, ses pertes matérielles, ses morts. "On se scalpe" à qui mieux-mieux. Les médias couvrent "la guerre", les misères. Les voisins, la communauté internationale et les humanitaires s'émeuvent, se mobilisent mais restent concentrés, en général, sur les effets du conflit. Pendant ce temps, la cause prospère et les acteurs sont dans la recherche de "la victoire": Aides en armes, en stratégie, en soutien moral etc.Tic-tac, tic-tac, le temps passe, des machettes, des missiles, des "dômes de fer" se vendent et se déploient; des ateliers, des tables rondes et conférences se tiennent; des négociateurs internationaux et des "contingents de la paix" se constituent à grands frais. Amoncellement de la bêtise humaine !! L'homme sait pourtant que jamais les armes n'ont résolu un conflit. Jamais la violence n'a accouché de bonheur pour aucun camp d'un conflit quelconque. Même quand il y a un plus fort qui domine et fait sa destruction totale, son génocide. Un conflit qui atteint ces intensités- là, ce sommet, se met lui-même à quémander la paix. Malheureusement, même avec la plus grande volonté, il mettra énormément de temps à s'éteindre. Quand le feu de brousse finit de tout ravager, il s'éteint de lui-même mais il reviendra, quand sa cause n'est pas traitée. Le retour à au moins le niveau de vie "normal" prendra une génération au moins, sinon l'éternité. Une éternité c'est quand l'ADN du conflit devient systémique dans les gènes des clans et se transmet dans les généalogies, en attendant une résurgence possible si ce n'est un engrenage infernal de vendetta.
L'humain devrait tirer les leçons des pensionnaires des pavillons psychiatriques de nos hôpitaux ; des guerres mondiales connues, d'Israël-Palestine, de l'apartheid, d'Iran-Irak, de l'Afghanistan, de la Lybie, du Congo ...On a cependant l'impression que les puissants, les décideurs, les "leaders" ont d'autres chats à fouetter qu'à être les sages qui assument avec pertinence le règlement rapide et efficace des conflits. A moins que, comme dit Idé Oumarou, dans "Gros Plan":" La nature humaine est ainsi faite...elle a beau se gargariser de dogmes religieux et se prévaloir de préceptes moraux, l'immortel vérité est qu'elle obéit au diable: l'homme se réjouit du malheur de l'autre" (une lecture d'il y a 40 ans que je cite de mémoire).
#Iyo, 10 mai 2024