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Le blog de Niandou Ibrahim
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11 septembre 2024

La boîte à l’homme ou le piège infernal de la masculinité bradée

La boîte à l’homme ou le piège infernal de la masculinité bradée

Pendant longtemps, j’ai utilisé et vu utiliser l’exercice « boîte à l’homme » dans les ateliers de formation des hommes et des garçons, ayant des responsabilités de gestion au sein de projets ou d’organes de gestion associatif communautaires ou de medias. L’exercice est destiné à faciliter l’introspection, en vue d’aller trouver et analyser en nous les déterminants de nos normes sociales. Il nous aide à chercher en nous « les forces » qui nous maintiennent « dans le chemin »; ou qui expliquent nos "déviations". Il nous incite, enfin,  à sonder les risques et les avantages de la rupture, du changement (par rapport à nos « habitudes », à nos « zones de confort »). A force de multiplier la conduite de ces séances avec des maris, des frères, des fils, des pères, des oncles, des chefs divers, etc. j’en suis arrivé à me convaincre que bien des hommes restent décideurs intransigeants, téméraires bagarreurs, voire méchants,  dictateurs  et tyrans etc non pas de faits de réflexion et de conduite délibérée mais parce qu’ils sont mus par l’automatisme de la reproduction et le reflexe du produit masculin qu’il est. Cette « dureté » spontanée des hommes, (mais) acquise, est une réponse concoctée sur le parcours de la construction des rôles Hommes-Femmes. Autant on peut applaudir ce qui peut y être jugé de noble (défendre sa famille etc), de grandeur (aider une parsonne âgée, ceder sa place assise à une dame etc) autant, malheureusement, on doit en étudier les miasmes qui engendrent bien des injustices (% de jeunes dans 'es postes supérieur etc) des douleurs (frapper sa femme etc) et des drames (prendre les armes etc). Des malheurs, pour beaucoup évitables, qui sont à éviter pour leurs préjudices en valeur absolue sur la cohésion sociale et l’épanouissement des autres. Au point où nous en sommes, il me parait même légitime de nous demander si la boîte à l’homme n’est pas la principale peau de banane qui martyrise la démocratie, la gouvernance et le bonheur du peuple au Niger ? N’est-elle donc pas la cause profonde du maintien de la majorité des ménages du Niger dans les griffes des vulnérabilités et de la pauvreté ? 
Toutes les études menées au Niger, depuis 20 ans, sur le profil de la pauvreté et sur les conditions de vie  montrent que la majorité des ménages nigériens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ce taux grimpe jusqu’à 54% pour les ménages « dépendant agricole », selon l’INS (Rapport profil pauvreté). Cela veut dire que la majorité des nigériens vit au quotidien dans le manque de quelque chose d’important. La majorité des nigériens manque de quelque chose de l’ordre de l’aliment, de l’eau, de la santé, de l’habitat, de l’environnement, de l’éducation…Sur ceci, il n’y a pas de débat. Il existe une quasi-unanimité aussi bien des « quantitativistes » que des « qualitativistes » sur ces gaps. En revanche, la dimension la moins connue des déterminants (et en même temps caractéristiques) de la pauvreté est sans doute « la boîte ». 
La boîte, c’est cette structure que la société a construite pour chacun de nous et qui lui fixe les limites à ne pas franchir, les « bornes à ne pas dépasser », les « obligations sociales » à honorer, la définition du respect et de la honte, la nature des rapports avec chaque « autre », des attitudes, des comportements, les rôles à jouer, les responsabilités à assumer etc… Ce n’est ni la loi ni la religion qui empêche d’aider tous les jours nos femmes à la cuisine ; de porter nos enfants sur le dos pour une petite promenade ; qui restreint le commerce pour les femmes. Vous verrez difficilement un jeune couple assis à causer dans la cour familiale dans la plupart des villages du Niger…ça serait du rishin kumya ( "n'ont pas froid aux yeux") !!!  
La boîte, c’est cet apprentissage qui nous désigne ce qu’est un vrai homme et comment l’être: l’homme qui ne pleure pas, l’homme qui affronte les dangers, l’homme qui ne recule pas, l’homme qui doit être ceci, l’homme qui ne doit pas être cela….Et ils partent braver la mort pour mériter le titre de « vrai mec ».
La boîte, C’est ce paquet « d’instructions » pour démontrer toujours et en tout lieu la différence avec les filles, les femmes, dans l’accumulation de biens, dans le contrôle des richesses, dans la prise de décision, dans l’exercice du pouvoir. 
Nous y sommes. Oui. La boîte, c’est cette conviction inculquée que le garçon doit être le plus fort et le rester ; celui qui domine ; celui qui décide. 
Il se trouve que certaines sphères de la société présentent beaucoup plus d’enjeux de pouvoir. Plus on quitte le village vers la capitale, plus la masse des institutions se densifient en termes de nombre mais aussi en termes de puissance. La compétition se densifie proportionnellement aux échelles de nombre et de pouvoir des institutions. La compétition, c’est à qui aura la boîte « la plus solide » : diversité d’astuces, de pièges, de stratégies, de trahison, de calculs, de fourberies, d’esquives, de coup de gueule...
Je pense à toutes ces histoires de coups-bas dans les courses pour les postes les plus « juteux », les plus prestigieux, les plus rémunérateurs, … et aux "félicitations!!" enthousiastes de l’entourage quand la nomination au poste tombe. Félicitations d’arrivée à un poste où on s’enrichit vite et où on fait profiter parents, amis et connaissances des privilèges. 
Je pense à toutes ces déclarations de soutien, d’alliance, d’allégeance, de transhumance politique qui ne sont que des aveux de traque d’ambitions personnelles…
Je pense à ces tentatives sous fortunes diverses, de révision de textes, d’emprise sur la justice et les magistrats, « dauphin-age » de fils ou d’alliés, qui ne sont que des manipulations de maintien au pouvoir par soi ou par autrui….
Je pense à ces légendaires histoires de haines entre alliés de la veille et peut-être du lendemain qui vont de traquenard sur la dignité, l’emprisonnement par prétexte, à l’expatriation forcée ou encore à l’attentat sur l’intégrité physique. Nous avons eu des exemples de coups de feu « non signés » sur domicile mais aussi carrément des assassinats en plein jour dans la ville de Niamey, d'"accident malheureux" guère élucidé !!  
Je pense aux nettoyages systématiques de tout ce qui pourrait constituer des obstacles ou même des freins à l’ascension vers plus de pouvoirs…journalistes emprisonnés ou « expatriés », médias fermés, entreprises « casséed » au sens propre comme au figuré…   
Je pense à toutes les ressources financières, intellectuelles, investies à s’entre-combattre, à s'auto-protéger, et qui aurait pu être économisées pour des investissements réducteurs de la pauvreté.
Dans la jungle des institutions, des associations, des conseils élus, des services publics, des entreprises privées, des institutions constitutionnelles et dupliquées (commission, conseils, Haut-machins, Gouvernements parallèles pour contourner X ou souterrains pour caser Y, etc), il y a des combats dans les combats : Les plus âgés écrasent les plus jeunes ; les hommes écrasent les femmes ; certaines familles se croient sacrées ; certaines alliances se prennent pour destinées à diriger éternellement…On s’éternisent et dépensent dans cette atmosphère et ces conciliabules en priorité. Les détenteurs de pouvoirs publics dans mon pays se préoccupent beaucoup plus des comment se maintenir au pouvoir que de comment donner du pouvoir de vivre décemment aux plus pauvres de nos concitoyens.  Les méninges se soumettent sans bataille, en contrepartie de quelques promesses. Des muscles se vendent au diable et nous privent de sommeil.  Ces faits sont des manifestations de boîte démesurée et jamais analysée. Le Niger a besoin d’un vaste exercice de visite …de la boîte pour les hommes (et…pour les femmes mais ça c’est un autre sujet) 
Il faut trouver les moyens de remodeler (reconstruire disent les sociologues) la boîte…et trouver les chemins d'une vision où tous les citoyens vivent dignement. Il faut pouvoir ouvrir le tiroir, faire des choix délibérés et aller vers ce changement voulu.
Il faut que l’équité prévale entre les différences (de catégories sociales). Il faut que l’égalité des citoyens soit une réalité devant l’opportunité d’emploi, de revenu ; devant la justice et l’accès aux décisions ; devant le pouvoir d’avoir, de pouvoir, de savoir. C'est tout cela le chantier du changement, de la résistance.
Niandou Ibrahim #Iyo

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