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Le blog de Niandou Ibrahim

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11 septembre 2024

La Concorde au Niger

24 avril: Journée de la concorde. Une journée en commémoration de la paix retrouvée au Niger, après l'épisode douloureuse de la rébellion armée de certains de ses enfants... Au-delà de la commémoration, c'est une journée que nous devons mettre à profit pour nous interroger sur l'avenir, le type de coexistence que nous nous souhaitons, puisque nos diversités ethnique, religieuse, politique, sociale existent et existeront toujours.
Le dictionnaire Larousse dit que la concorde est "L'union des cœurs et des volontés, qui produit la paix ; la bonne entente : Un climat de concorde sociale". Il ajoute que la concorde a pour synonymes "Accord - entente - fraternité - harmonie - union".
Dans nos cultures, d'innombrables concepts existent auréolés de nombreuses expressions, de proverbes et d'images qui nous incitent à la concorde et l'unité. Une vision commune tissée par nos sages ancêtres, à la lumière des innombrables expériences guerrières et des alliances qui ont marqué nos histoires. 
Les nigériens connaissent la paix depuis ces troubles époques des batailles territoriales de nos aïeux. Nous eûmes, en plus, des leaders qui ont œuvré au fil du temps à renforcer l'esprit de paix et le sentiment national d'unité. Nous avons su filer une fibre patriotique et une solidarité inter-communautaire qui n'ont d'égaux que la densité des mixités matrimoniales et le métissage démographique.  Malgré d'extrêmes rares déviations, elles-mêmes vite regrettées et réprimées, le cap du vivre-ensemble est resté constant et soutenu. Hélas, depuis un certain temps, des signes de relâchements de cette valeur de paix voire d'encouragements des divisions se manifestent de plus en plus. Les violences de janvier 2014, la banalisation du verbe violent par des dirigeants, la hargne des citoyens non pas seulement à refuser les différences mais à imposer activement leur vision intolérante aux autres en sont des indicateurs criards. Nous cheminons chaque jour dans un univers où les valeurs qui nous maintenaient la sérénité s'effilochent un peu plus pour ne laisser place qu'à l'appât du gain y compris en écrasant sans vergogne le concitoyen. Avec cette tendance de "fissure dans le mur", nous nous acheminerons immanquablement vers le gouffre redouté que nous observons avec effroi ailleurs.
Nous pouvons encore éviter une telle extrémité.
Ce changement de cap est, à mon avis, à cultiver à 2 niveaux principaux:
1- Une introspection individuelle, sur nos comportements. Que chacun, à commencer par les activistes, les "influenceurs", les vrais leaders et les amateurs de buzz, les détenteurs de micros et de claviers, s'auto-analysent autour de l'impact sur soi et sur les autres de nos thèses, de nos engagements, de nos projets, de nos argumentaires mais aussi de nos communications, consciemment ou surtout inconsciemment. En "défendant" (!!) nos religions, nos partis politiques, nos "pains",  nous exagérons et nous sous-estimons parfois les arguments des autres, quand nous les écoutons ... En voulant défendre la liberté, nous écrasons bien souvent la liberté et la dignité des autres.
B- La revue de nos gouvernances. Je pense au travail de la justice pour se faire juste. Je pense   au travail à faire par l'administration pour se faire respecter. Je pense aux réformes politiques éventuelles à engager, aux efforts personnels des "responsables" dans la recherche de l'exemplarité. 
En somme, je crois que la clé de la paix durable au Niger réside dans le retour rigoureux et strict au respect des règles convenus d'une part et au renforcement individuel et délibéré de nos engagements à contribuer à la construction d'un environnement national de confiance mutuelle.
#Iyo

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11 septembre 2024

La boîte à l’homme ou le piège infernal de la masculinité bradée

La boîte à l’homme ou le piège infernal de la masculinité bradée

Pendant longtemps, j’ai utilisé et vu utiliser l’exercice « boîte à l’homme » dans les ateliers de formation des hommes et des garçons, ayant des responsabilités de gestion au sein de projets ou d’organes de gestion associatif communautaires ou de medias. L’exercice est destiné à faciliter l’introspection, en vue d’aller trouver et analyser en nous les déterminants de nos normes sociales. Il nous aide à chercher en nous « les forces » qui nous maintiennent « dans le chemin »; ou qui expliquent nos "déviations". Il nous incite, enfin,  à sonder les risques et les avantages de la rupture, du changement (par rapport à nos « habitudes », à nos « zones de confort »). A force de multiplier la conduite de ces séances avec des maris, des frères, des fils, des pères, des oncles, des chefs divers, etc. j’en suis arrivé à me convaincre que bien des hommes restent décideurs intransigeants, téméraires bagarreurs, voire méchants,  dictateurs  et tyrans etc non pas de faits de réflexion et de conduite délibérée mais parce qu’ils sont mus par l’automatisme de la reproduction et le reflexe du produit masculin qu’il est. Cette « dureté » spontanée des hommes, (mais) acquise, est une réponse concoctée sur le parcours de la construction des rôles Hommes-Femmes. Autant on peut applaudir ce qui peut y être jugé de noble (défendre sa famille etc), de grandeur (aider une parsonne âgée, ceder sa place assise à une dame etc) autant, malheureusement, on doit en étudier les miasmes qui engendrent bien des injustices (% de jeunes dans 'es postes supérieur etc) des douleurs (frapper sa femme etc) et des drames (prendre les armes etc). Des malheurs, pour beaucoup évitables, qui sont à éviter pour leurs préjudices en valeur absolue sur la cohésion sociale et l’épanouissement des autres. Au point où nous en sommes, il me parait même légitime de nous demander si la boîte à l’homme n’est pas la principale peau de banane qui martyrise la démocratie, la gouvernance et le bonheur du peuple au Niger ? N’est-elle donc pas la cause profonde du maintien de la majorité des ménages du Niger dans les griffes des vulnérabilités et de la pauvreté ? 
Toutes les études menées au Niger, depuis 20 ans, sur le profil de la pauvreté et sur les conditions de vie  montrent que la majorité des ménages nigériens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ce taux grimpe jusqu’à 54% pour les ménages « dépendant agricole », selon l’INS (Rapport profil pauvreté). Cela veut dire que la majorité des nigériens vit au quotidien dans le manque de quelque chose d’important. La majorité des nigériens manque de quelque chose de l’ordre de l’aliment, de l’eau, de la santé, de l’habitat, de l’environnement, de l’éducation…Sur ceci, il n’y a pas de débat. Il existe une quasi-unanimité aussi bien des « quantitativistes » que des « qualitativistes » sur ces gaps. En revanche, la dimension la moins connue des déterminants (et en même temps caractéristiques) de la pauvreté est sans doute « la boîte ». 
La boîte, c’est cette structure que la société a construite pour chacun de nous et qui lui fixe les limites à ne pas franchir, les « bornes à ne pas dépasser », les « obligations sociales » à honorer, la définition du respect et de la honte, la nature des rapports avec chaque « autre », des attitudes, des comportements, les rôles à jouer, les responsabilités à assumer etc… Ce n’est ni la loi ni la religion qui empêche d’aider tous les jours nos femmes à la cuisine ; de porter nos enfants sur le dos pour une petite promenade ; qui restreint le commerce pour les femmes. Vous verrez difficilement un jeune couple assis à causer dans la cour familiale dans la plupart des villages du Niger…ça serait du rishin kumya ( "n'ont pas froid aux yeux") !!!  
La boîte, c’est cet apprentissage qui nous désigne ce qu’est un vrai homme et comment l’être: l’homme qui ne pleure pas, l’homme qui affronte les dangers, l’homme qui ne recule pas, l’homme qui doit être ceci, l’homme qui ne doit pas être cela….Et ils partent braver la mort pour mériter le titre de « vrai mec ».
La boîte, C’est ce paquet « d’instructions » pour démontrer toujours et en tout lieu la différence avec les filles, les femmes, dans l’accumulation de biens, dans le contrôle des richesses, dans la prise de décision, dans l’exercice du pouvoir. 
Nous y sommes. Oui. La boîte, c’est cette conviction inculquée que le garçon doit être le plus fort et le rester ; celui qui domine ; celui qui décide. 
Il se trouve que certaines sphères de la société présentent beaucoup plus d’enjeux de pouvoir. Plus on quitte le village vers la capitale, plus la masse des institutions se densifient en termes de nombre mais aussi en termes de puissance. La compétition se densifie proportionnellement aux échelles de nombre et de pouvoir des institutions. La compétition, c’est à qui aura la boîte « la plus solide » : diversité d’astuces, de pièges, de stratégies, de trahison, de calculs, de fourberies, d’esquives, de coup de gueule...
Je pense à toutes ces histoires de coups-bas dans les courses pour les postes les plus « juteux », les plus prestigieux, les plus rémunérateurs, … et aux "félicitations!!" enthousiastes de l’entourage quand la nomination au poste tombe. Félicitations d’arrivée à un poste où on s’enrichit vite et où on fait profiter parents, amis et connaissances des privilèges. 
Je pense à toutes ces déclarations de soutien, d’alliance, d’allégeance, de transhumance politique qui ne sont que des aveux de traque d’ambitions personnelles…
Je pense à ces tentatives sous fortunes diverses, de révision de textes, d’emprise sur la justice et les magistrats, « dauphin-age » de fils ou d’alliés, qui ne sont que des manipulations de maintien au pouvoir par soi ou par autrui….
Je pense à ces légendaires histoires de haines entre alliés de la veille et peut-être du lendemain qui vont de traquenard sur la dignité, l’emprisonnement par prétexte, à l’expatriation forcée ou encore à l’attentat sur l’intégrité physique. Nous avons eu des exemples de coups de feu « non signés » sur domicile mais aussi carrément des assassinats en plein jour dans la ville de Niamey, d'"accident malheureux" guère élucidé !!  
Je pense aux nettoyages systématiques de tout ce qui pourrait constituer des obstacles ou même des freins à l’ascension vers plus de pouvoirs…journalistes emprisonnés ou « expatriés », médias fermés, entreprises « casséed » au sens propre comme au figuré…   
Je pense à toutes les ressources financières, intellectuelles, investies à s’entre-combattre, à s'auto-protéger, et qui aurait pu être économisées pour des investissements réducteurs de la pauvreté.
Dans la jungle des institutions, des associations, des conseils élus, des services publics, des entreprises privées, des institutions constitutionnelles et dupliquées (commission, conseils, Haut-machins, Gouvernements parallèles pour contourner X ou souterrains pour caser Y, etc), il y a des combats dans les combats : Les plus âgés écrasent les plus jeunes ; les hommes écrasent les femmes ; certaines familles se croient sacrées ; certaines alliances se prennent pour destinées à diriger éternellement…On s’éternisent et dépensent dans cette atmosphère et ces conciliabules en priorité. Les détenteurs de pouvoirs publics dans mon pays se préoccupent beaucoup plus des comment se maintenir au pouvoir que de comment donner du pouvoir de vivre décemment aux plus pauvres de nos concitoyens.  Les méninges se soumettent sans bataille, en contrepartie de quelques promesses. Des muscles se vendent au diable et nous privent de sommeil.  Ces faits sont des manifestations de boîte démesurée et jamais analysée. Le Niger a besoin d’un vaste exercice de visite …de la boîte pour les hommes (et…pour les femmes mais ça c’est un autre sujet) 
Il faut trouver les moyens de remodeler (reconstruire disent les sociologues) la boîte…et trouver les chemins d'une vision où tous les citoyens vivent dignement. Il faut pouvoir ouvrir le tiroir, faire des choix délibérés et aller vers ce changement voulu.
Il faut que l’équité prévale entre les différences (de catégories sociales). Il faut que l’égalité des citoyens soit une réalité devant l’opportunité d’emploi, de revenu ; devant la justice et l’accès aux décisions ; devant le pouvoir d’avoir, de pouvoir, de savoir. C'est tout cela le chantier du changement, de la résistance.
Niandou Ibrahim #Iyo

11 septembre 2024

La conscience peut-elle être achetée? 

La conscience peut-elle être achetée? 
La cogitation autour de la question serait brève si on se contentait d’une certaine image de vulgaire marchandise que l’actualité socio-politique récente de notre pays veut donner de « l’engagement citoyen», de « la conscience révolutionnaire », « de la conscience patriotique » : L’image d’une offre de service ; l’image d’une proposition d’emploi de conseiller. En revanche, dès que l'on scrute la conscience comme une conviction intérieure profonde, la réflexion devient plus ardue, plus exaltante. 
Si la conscience était comme une tomate ou une brochette de chèvre - peu importe, qu'elle soit accomplie, mûre, grillée - ou crue, verte, saignante - une transaction autour d’elle n'aurait aucune contrainte, au-delà des consentements des partis. L’approbation du vendeur et de l’acheteur, moralement, naturellement, économiquement, socialement, communautairement pour ne pas dire politiquement, est l’unique condition pour une opération du déménagement de propriété. Deux « oui » des deux parties en présence matérialisent cet espoir de bénéfices mutuels qui donne un sens au marché. 
Une marchandise est faite pour être marchandée, achetée, vendue. Dès lors que la marchandise est achetée, qu’a-t-elle d’autre à attendre que d’être «utilisée », « consommée » par son légitime « propriétaire », l’acheteur ?  Je l’achète donc je le mange. Je peux acheter une tomate donc je peux manger la tomate sans que la tomate n'ait de conditions, d'exigences que ce que j'aurai décidé de lui appliquer. La dignité ne saurait se manifester. Neutralisée.
Il se trouve que la conscience est autre chose qu'une tomate. C'est une foi nourrie de connaissances, d'histoires, d'expériences, d'analyse, de moral, de lumière, individuels (et collectifs). Une conviction, un engagement, une cause. Pour tenter de l'acheter, il faudrait ouvrir les têtes, les cœurs, les âmes. Ouvrir les têtes, les cœurs, les âmes de l'Homme conscient (ou du peuple conscient) est synonyme de suicide de l'acheteur car "prendre conscience" est intra-humain, non transactionnel. C'est pourquoi les exercices (tentative) de monétisation de la conscience (individuel ou collectif) sont appelés corruptions et finissent par la trahison, la déchéance, en tout cas de retombées éphémères. Ce sont de ces instigateurs de ces conflits et de ces gâchis que parlent Cherbuliez Victor en disant qu’ « Il y a des gens intelligents qui ne savent pas ce que c'est qu'un scrupule, et qui, n'ayant qu'une conscience intermittente, ne croient guère à la conscience d'autrui. »
La conscience est de l'ordre du délibéré et de l'indomptable si non elle ne serait que tomate, légume comestible, et matière première à la soupe vite consommée. La conscience résiste aux vulgaires marchandages qui ne s'alignent à la cause. Cette noblesse la met hors de portée l'achat. 
Stanislas Leszczynski  (Le philosophe bienfaisant, 1764) soutient ainsi que " La conscience est une loi aussi incorruptible que sévère, et qu'il n'est pas possible de rompre, ni d'affaiblir. Ses reproches sont plus terribles que le mal que nous faisons. Elle épouvante les scélérats, et si elle ne peut les rendre plus sages, elle les rend plus malheureux." 

On n’achète pas le respect. Même pas au prix de la vie!! La cause, l'engagement, la conscience survivent à la menace, à la "nomination", à la mort d'où le "la patrie ou la mort..." d'une certaine conscience !! Une certaine conscience dont la conscience semble être notre recours le plus sérieux à l’heure où les rares philosophes qui résistent encore aux ombres menacent de déposer la plume, fatigués de prêcher dans le désert ; à l'heure où les poètes se lassent de "lettres au Président"; à l’heure où les rares cyclistes qui pédalent encore constatent l’ampleur infranchissable des précipices et de la côte à escalader. A l'heure où tant de points levés s'abaissent mollement, dévalués. #Iyo

14 mai 2024

Comprendre le conflit

Les conflits sont partout, toujours, entre tout ceux qui sont en interaction, y compris quand il n'y a qu'un seul individu, en son intérieur dans chaque choix, chaque décision, chaque mouvement. Ils sont dans la plupart des cas imperceptible, paisible, utile pour confronter des pour et des contres, des oui et des non. Ils restent immergés dans l'océan du "normal". Parfois, les normes pètent et un minuscule bout de l'iceberg émerge. "La hache de guerre est déterrée". Le conflit devient un tout petit peu visible à travers des signes inhabituels: Des vagues qui se contorsionnent un peu plus; des visages qui se ferment; des silences    subites; des voix connues calmes qui se haussent d'un coup; Des échanges de noms d'oiseaux. Des bouts noirs de rochers apparaissent sur l'étendue tranquille du fleuve. 

Ces signes indiquent que l'on vit des moments tendus mais réversibles avec des sages interventions. Sages par la nature et le profil de la médiation; sages par la justesse et le tact dans la démarche; sages par la durabilité de la solution visée. L'insistance ici sur la sagesse du médiateur s'explique par la complexité de la médiation dans un "jeune" conflit. C'est un moment difficile mais où on peut quand-même encore "fumer le calumet de la paix". Les paramètres du conflit sont, à ce moment, difficilement cernés, entre les acteurs de premier plan et les influenceurs qui tirent les ficelles dans les ombres, les références historiques des opposés, les opposants à la paix et leurs intérêts, les coûts de la paix, en démarche et en conséquences, les textes, les normes et les stéréotypes à considérer...mais le plus difficiles est qu'en ce moment chaque belligérant croit être le plus fort, le gagnant par la force.
Hélas, le monde laisse trop passer ce stade déterminant des conflits sans agir. Alors le conflit éclate au grand jour, la folie de l'individu apparaît et il s'auto-mutile ou refuse de se laver. Les coups physiques, sociaux, économiques, militaires, psychologiques, mystiques se distribuent à découvert entre entité. La quête de nuisance se conduit à visage découvert avec ses blessures, ses déplacés, ses réfugiés, ses pertes matérielles, ses morts. "On se scalpe" à qui mieux-mieux. Les médias couvrent "la guerre", les misères. Les voisins, la communauté internationale et les humanitaires s'émeuvent, se mobilisent mais restent concentrés, en général, sur les effets du conflit. Pendant ce temps, la cause prospère et les acteurs sont dans la recherche de "la victoire": Aides en armes, en stratégie, en soutien moral etc.Tic-tac, tic-tac, le temps passe, des machettes, des missiles, des "dômes de fer" se vendent et se déploient; des ateliers, des tables rondes et conférences se tiennent; des négociateurs internationaux et des "contingents de la paix" se constituent à grands frais. Amoncellement de la bêtise humaine !! L'homme sait pourtant que jamais les armes n'ont résolu un conflit. Jamais la violence n'a accouché de bonheur pour aucun camp d'un conflit quelconque. Même quand il y a un plus fort qui domine et fait sa destruction totale, son génocide. Un conflit qui atteint ces intensités- là, ce sommet, se met lui-même à quémander la paix. Malheureusement, même avec la plus grande volonté, il mettra énormément de temps à s'éteindre. Quand le feu de brousse finit de tout ravager, il s'éteint de lui-même mais il reviendra, quand sa cause n'est pas traitée. Le retour à au moins le niveau de vie "normal" prendra une génération au moins, sinon l'éternité. Une éternité c'est quand l'ADN du conflit devient systémique dans les gènes des clans et se transmet dans les généalogies, en attendant une résurgence possible si ce n'est un engrenage infernal de vendetta.
L'humain devrait tirer les leçons des pensionnaires des pavillons psychiatriques de nos hôpitaux ;  des guerres mondiales connues, d'Israël-Palestine, de l'apartheid, d'Iran-Irak, de l'Afghanistan, de la Lybie, du Congo ...On a cependant l'impression que les puissants, les décideurs, les "leaders" ont d'autres chats à fouetter qu'à être les sages qui assument avec pertinence le règlement rapide et efficace  des conflits. A moins que, comme dit Idé Oumarou, dans "Gros Plan":" La nature humaine est ainsi faite...elle a beau se gargariser de dogmes religieux et se prévaloir de préceptes moraux, l'immortel vérité est qu'elle obéit au diable: l'homme se réjouit du malheur de l'autre" (une lecture d'il y a 40 ans que je cite de mémoire).

#Iyo, 10 mai 2024

17 mars 2022

Eclats d’espoir

_yyyo

Un jour

Disséminé dans la mélodie du vent qui passe

L’amour dit-on est pris dans une impasse

C’est lui qui hulule de regret et de tristesse

Il sanglote en manque de douces caresses

Déchiré par la mélancolie d’absence et de négligence

 

Un jour

Des fleurs parfumées fanent dans la poussière du bord de route

Foulées aux pieds par des flâneurs bruyants et sans but

Tant de basket silencieux fatigués et chargés de doutes

Tendres âmes écrasées par quelques promesses charmantes

Elles dégénèrent et se décomposent doucement en miettes

 

Un jour

Le vent qui passe ramasse les éclats de nos jeunesses

En virevoltant ressasse son sinistre refrain sans cesse

Le visage garni de son air irréprochable d’innocence

« Je vous débarrasse de vos démons par ces secousses »

Mais nos démons ne sont pas les démons qu’il balance

 

Un jour

Je pense aux smartphones en quête de puce

Je pense aux linges qui cherchent du savon qui mousse

A tant d’espoirs et de rêves et de doux projets qui rabougrissent

Tant de crimes chargés sur le dos du temps et de l’air qui avancent

Ce sont pourtant les génies de nos seins qui cultivent nos souffrances

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4 février 2021

Deux recueils de poésie dans les starter

Couverture

 

J'ai transmis cette semaine, par courrier, deux recueils de poésie au BNDA 

"Des espoirs" et "Des espérances", les deux recueils, se ressemblent comme deux gouttes d'eau, avec la même taille, le même teint, les mêmes tripes, 130 pages chacun, le même esprit de "Un jour..." qui vous est maintenant si familier. Ils se ressemblent comme des vrais jumeaux nés au même instant, porteurs des mêmes espoirs, des mêmes désespoirs, des mêmes hommages à ces nigériens qui se battent, des mêmes coléres face à ces autres nigériens et des révoltes qu'exhale mon coeur.... Ils se ressemblent comme deux mains levées au ciel, en quête de clémence de Dieu pour les humains de mon époque, si désemparés. Ils se ressemblent.

29 janvier 2021

Audio-bilan?

Écrit le 25 février 2020. Publié dans Les nouvelles du Pays  (Nigerdiaspora)

 

Un audio pour le moins ahurissant attribué au Ministre de la défense de la République du Niger circule actuellement sur les réseaux sociaux. En l’écoutant, je me suis posé plusieurs questions. Est-ce bien le Ministre ou est-ce un faux ? Une voix tierce enregistrée et allouée sciemment au Ministre ? La voix du Ministre mais enregistrée incognito ? L’enregistrement est-il diffusé avec ou sans son consentement ? La voix est enregistrée en toute vraisemblance lors d’une réunion, mais quelle réunion ?...Toutes ces incertitudes, cependant, ne peuvent nous dissuader d'analyser l'objet en question, aussi incroyable et douloureuse puisse-t-il paraître pour ceux qui aiment notre pays. Si cet audio se confirme être la voix du Ministre de la défense nationale du Niger, il révélerait trois aveux, à mon sens.

Cet audio est d’abord l’aveu d’échec du régime au pouvoir sur la gestion de la défense nationale, marquée par les détournements des ressources financières. Alternative Espace Citoyen montre dans  « regard citoyen sur le budget 2019 » que le budget du Ministère de la défense est passé de 42,5 milliards en 2011 à 127,6 milliards en 2017 au détriment de tous les autres secteurs d’amélioration des conditions de vie des citoyens. Paradoxalement, les citoyens ne sentaient pas une modification majeure dans la reprise en main du terrain, le renversement de tendance face aux forces du mal qui nous harcèlent. Toutes les formes de voix possibles se sont relayées depuis des années pour tirer la sonnette d’alarme et attirer l’attention du Président de la République sur les malversations apparentes et l’inefficacité ressentie de sa gestion en matière de sécurité. Les Partis de l’opposition, les organisations de la société civile, des nombreux citoyens qui ne sont mû que par leur fibre patriotique ou la douleur d’une perte, ont dénoncé, conseillé, manifesté ce sentiment que « …La sécurité est, en toute évidence, plutôt un sein nourricier qu’une préoccupation prioritaire… » pour les dirigeants de notre pays (Communiqué MPN/IDH/mars 2019). Le gouvernement et ses porteurs d’eau n’ont pas daigné réagir à ces interpellations. Quand ils l’ont fait, c’était pour les qualifier de putschiste, les emprisonner ou interdire leur sortie pour motif de risque de « trouble de l’ordre public ».

Cet audio fait ensuite un aveu de l’échec moral du pouvoir en place au Niger. Dans cet audio, le Ministre nous révèle que le Président de la République était au courant des détournements de fonds au Ministère avant de le nommer, le 20 septembre 2019. «…Quand le Président m’a appelé pour me dire qu’il va me nommer comme Ministre de la défense, il m’a dit voilà ce qu’il attend de moi : de graves abus et malversations qui sont commis et il me dit que je veux que tu enlèves les gars de là-bas… » dit-il. Depuis, il y a eu les successives hécatombes d’Inatés, de sanam, de Chinagodar, de Ayorou, de Gueskerou, de Nguigmi etc …occasionnant des centaines de morts parmi les militaires qui doivent nous défendre et les civils désemparés. Dans l’audio, le Ministre dit « …les enfants souffrent…les moyens ne sont jamais arrivés à destination. Il y a des fusils et des munitions achetés mais sur le terrain, certaines cartouches de mauvaise qualité ne détonnaient pas, donc inactives…Si les moyens avaient été utilisés à bons escients, les résultats obtenus allaient être deux, trois fois plus importants ». Jusqu’à cette fin février où (par accident?) est rendu public le fameux audio, le Président de la République et les membres du gouvernement (les députés aussi, selon le Ministre) ont continué à faire semblant d’ignorer ce qui se passe dans leurs couloirs et ses effets sur le terrain, à servir des discours agressifs et culpabilisants vis-à-vis des activistes nationaux. J’essaie de comprendre rétroactivement ce que ressentait et exprimait le Président de la République dans ses récents propos où il disait « Les terroristes cherchent des relais au sein de la population pour les aider à défaire ces alliances » ou encore « A notre niveau, nous essayons de renforcer les capacités de nos FDS, leurs capacités opérationnelles…. ». Le Président de la République est certains de ses Ministres au moins savaient mais n’ont ni sanctionné ni communiquer avec les citoyens avec transparence.

Cet audio fait, enfin, l’aveu d’un bilan socio-économique désastreux du régime en place : A son investiture , le Président de la République a pris l’engagement solennel d’œuvrer afin qu’en 2020 il y ait « un Niger radicalement transformé, un Niger où les institutions démocratiques seront plus fortes, un Niger où la lutte contre la corruption aura progressé, un Niger où les inégalités auront reculé et la classe moyenne se sera renforcée, un Niger uni, en paix et en sécurité, un Niger où « la faim zéro » est une réalité, un Niger bien équipé en infrastructures de toutes sortes, un Niger qui aura progressé sur la voie de sa transition démographique, un Niger où l’école sera gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, un Niger où 40% de nos enfants fréquenteront les centres de formation professionnelle et technique et en sortiront avec un métier, un Niger où les universités formeront les cadres parmi les plus compétents de la sous-région, un Niger où l’accès aux soins de santé, à l’eau potable et à l’assainissement sera garanti, un Niger où les emplois, notamment pour les jeunes, seront, abondants, en fin un Niger résolument engagé dans la réalisation de l’unité de notre continent ». Les nigériens attendent ce Niger radicalement transformé.

Le Niger est radicalement transformé, oui, mais à mon sens, pas dans la direction souhaitée.

Les institutions traditionnelles et républicaines sont mises au pas, taillées sur mesure ou caporalisées par le Parti au pouvoir. Le gouvernement est pléthorique, sans cohérence et affairée; l'Assemblée Nationale est transformée en chambre d’enregistrement; les institutions judiciaires subissent des pressions continues etc…

La corruption n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui au Niger. La liste des scandaleuses affaires douteuses ignorées ou impunies ne cesse de croitre.

Les inégalités se sont accrues. « La faim zéro » et « les nigériens nourrissent les nigériens » se sont révélés comme des creux et stériles slogans. Les ressources publiques de soutien aux "deux mamelles" (agriculture et élevage) de l’économie nationale ont été diminué progressivement année après année, au point où, selon le Ministre de l’agriculture en 2020, 6000000 personnes n’ont pas produit suffisamment pour se nourrir (revue de presse OCHA , 15-21 février 2020). Bon an mal an, en y ajoutant les personnes structurellement démunies, ou frappées par les diverses autres crises persistantes par la faute de ces mauvaises politiques, on a jusqu’à deux tiers des nigériens qui stagnent dans l’insécurité alimentaire ou plongent dans une misère noire. La croissance d’une certaine criminalité, l’assaut des mendiants et l’émigration combattus si vigoureusement par le régime en place ont des causes. Selon « l’enquête conjointe sur la vulnérabilité à l'insécurité alimentaire des ménages au Niger » conduite par le gouvernement en novembre 2018, 41, 5% des nigériens étaient en insécurité alimentaire ou à risque. Le rapport Afro-baromètre estimait, lui, que Deux-tiers des Nigériens disent avoir manqué de nourriture, « quelques fois », « plusieurs fois », ou « toujours » au cours de l’année. En février 2019, 2,3 millions de nigériens avaient besoin d’aide humanitaire, selon le document validé du Programme de partenariat 2019-2021 UNICEF – Niger.

En matière d’infrastructures routières et ferroviaires, les promesses non-tenues (RTA, Route Gaya, Chemin de fer…) se la disputent avec les fiascos scandaleux et inexplicables des fêtes tournantes, des ronds-points et échangeurs surfacturés et mal-alloués (Lettre N°5 du Directeur du contrôle de la réglementation du 13 juillet 2011 par exemple).

A la place des 25% des ressources de l’Etat promises pour l’éducation, les dépenses de ce secteur ne représentent que 13,36% des ressources du budget général de l’État pour l’exercice 2019 selon « le regard citoyen sur le budget » (AEC). Cette négligence incompréhensible et impardonnable, couplé au mépris exprimé vis-à-vis des acteurs de l’école a un effet dévastateur sur le système éducatif dans ses dimensions quantitatives et qualitatives. La moitié des enfants de 7 à 16 ans ne sont pas scolarisés (document validé du Programme de partenariat 2019-20121 UNICEF – Niger, février 2019). Pour ceux qui sont scolarisés, peu suit des cours dans des conditions matériel et pédagogique propices à un apprentissage efficace.

Les Universités connaissent des véritables blocages, si ce ne sont des drames, directement dus à l’immixtion exagérée du gouvernement et les rapports conflictuels induits continuellement. Entre les privations prescrites par les budgets insuffisants alloués et les grèves imposés aux enseignants et aux étudiants, l’année académique s’étale en réalité sur deux ans dans plusieurs facultés.

La moitié des enfants nigériens n’ont pas accès aux soins de santé de base ; 52% des enfants nigériens ne sont pas complétement vaccinés ; 42% des enfants nigériens souffrent de retard de croissance; 87% de la population n’a pas accès au service d’assainissement de base  (document validé du Programme de partenariat 2019-20121 UNICEF – Niger, février 2019).

En résumé, on retient que « les prévisions des dépenses des secteurs sociaux (enseignement, santé, protection sociale, loisirs, culture, culte, logements, équipements collectifs) […] ne représentent que 20,90% des dépenses totales inscrites au budget de l’État pour l’exercice 2019. En 2018, elles […] représentaient 19,28% des dépenses totales», selon le rapport « regard citoyen sur le budget de l’état 2018-2019 ».

Dans l’audio qui circule (qui a fuité ?), le Ministre avoue que les faits révélés par l’audit du Ministère de la défense est si grave que leurs camarades qui en sont responsables méritent la mort comme sanction. Cela est un aveu d’échec du régime, qui a encore, en toute évidence, beaucoup d’audits à faire ou à se faire faire; beaucoup de monstres à sortir des tiroirs, et de cadavres à sortir des placards, vue les scandales qui émaillent sa gouvernance. Les nigériens doivent barrer la route à toute velléité de continuation de cette mafia aux destinés de notre pays.

Canon

29 janvier 2021

Stéréotypes et conflits -

 

Gabdi Songhoï

"Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix" (préambule, Acte constitutif de l'UNESCO)

 

L’histoire de l’humanité montre que les conflits les plus meurtriers ont été suscités ou nourris essentiellement par un ou des stéréotypes. On constate aujourd’hui une montée vertigineuse des stéréotypes dans notre pays. Elle est actuellement une des plus grandes menaces pour la paix au Niger. Dans une dynamique de prévention de tout emballement axé sur ce phénomène, il y a un besoin important et urgent de renforcer les analyses et l’éducation populaire autour de cette cause vérifiée de violence. Mais qu’est-ce donc et comment se manifeste le stéréotype ? Comment nous en prémunir aux fins de maintenir et renforcer la paix sous nos cieux ?

Le stéréotype est cette façon d’attribuer le même qualificatif, la même caractéristique à un groupe de personnes. Par exemple, « Les militants de tel parti politique sont violents » ; « les étudiants de tels faculté sont des idiots » ; « les adeptes de telles religions des fourbes » ;  etc. Le stéréotype, c’est donc le fait de croire ou de vouloir faire croire que tous les éléments d’un groupe sont identiques et méritent le même traitement. Le stéréotype gomme les différences qui existent entre les membres du groupe. « Ils sont tous les mêmes » est l’expression du stéréotype la plus répandue que l’on entend souvent. Selon le dictionnaire, le stéréotype vient du latin « typus » désignant un modèle, une image, précédé du préfixe stéréo, lui-même dérivé du grec ancien « stereós » (selon www.linternaute.fr  ).

Au-delà de l’origine étymologique, il est pertinent de se poser la question des causes, des raisons qui poussent à l’émission des stéréotypes.

Il est possible qu’un individu sous le coup d’une émotion, d’un choc, extrapole un vécu ou un témoignage, attribue la même force ou la même faiblesse à un groupe entier. Il est possible que l’individu se construise une opinion basée sur le traumatisme d’un fait heureux ou malheureux. On voit ainsi des gens dire « je ne retournerai plus jamais à tel endroit parce que ses habitants sont des voleurs ou des méchants » ; « Je déménagerai volontiers à tel lieu parce que les habitants y sont gentils »…

 La paresse intellectuelle peut également entrainer les humains à répéter ce qui se dit continuellement dans son entourage et dans son histoire.  A force d’entendre les parents ressasser un préjugé sur un groupe ; à force de lire sur les réseaux sociaux ou d’entendre à la télévision à longueur de journée qu’une catégorie donnée de la société a un défaut précis, ancré, immuable, des jeunes finissent par s’approprier durablement de cette opinion. Pire ils pourront la réémettre voire construire des actes sur cette fondation erronée et ces stigmatisations. 

 

"Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix" (préambule, Acte constitutif de l'UNESCO)

Il demeure cependant que plus souvent, les stéréotypes partent de constructions délibérées et manipulatrices. « Les individus ont besoin de développer un sentiment d’appartenance à un ou plusieurs groupes. Le phénomène est à double sens ; d’une part, nous avons tendance à accentuer notre identification à un groupe de référence, par souci de repères, de structures et d’identité. D’autre part, le regard que nous portons sur les autres groupes est marqué par les différences qui nous éloignent. Exagérer les similitudes à l’intérieur d’un groupe accentue les différences entre les groupes»  (Duperray Charlotte, 2009: http://www.slate.fr/story/ne-me-pr%C3%A9jugez-pas

Quoique non systématique, les humains ont donc une propension à « embellir » leur groupe et  à « noircir » les autres groupes afin de se renforcer et de s’identifier. Malheureusement, cette attitude humaine banalisée, acceptée produit les affrontements, les guerres, les génocides. Le conditionnement de l’opinion fini par produire des monstruosités du type que l’humanité connait de plus en plus ( en Europe en milieu du siècle précédent, dans les grands-lacs, en Afrique du sud, dans les Balkans, en Côte d’ivoire, au Soudan, en Centrafrique, au Nigeria,  etc).  

Paradoxalement, il s’avère que les solutions préventives des conflits d’intolérance de diversité (les stéréotypes, les préjugés, les discriminations, les stigmatisations) sont portées par les mêmes forces et les mêmes potentialités. En effet, toutes les expériences de conflits « claniques » montrent que :

- Le passage à l’acte est suscité par des leaders mus par des intérêts politiques, économiques, géopolitiques avoués ou non. De même, toutes les fois où les communautés humaines ont pu éviter les drames, malgré les tendances malheureuses, c’est qu’il y a eu des leaders qui ont su saisir les opportunités du moment pour arrêter la descente aux enfers : Ce fut le cas de Nelson Mandela et d’autres que l’histoire n’énumère pas beaucoup malgré les mérites.  Une  réaction vigoureuse et massive des pouvoirs d’opinions et une meilleure valorisation de notre patrimoine culturelle pourront atténuer les risques liés aux dérives des stéréotypies. Les pouvoirs d’opinion s’entendent ici aussi bien par les autorités formelles que l’ensemble des leaders d’opinion à tous les niveaux. Le cousinage à plaisanterie s’assoit sur les stéréotypes, transforme cette tare (le stéréotype) en un instrument d’immunisation, de prévention de conflit. C’est un exemple, à conforter, d’une technologie sociale au service de l’harmonie dans la diversité.  

-Les ressources de communication ont joué un rôle déterminant dans les embrasements récents (Radio milles collines au Rwanda, les réseaux sociaux dans les cas en cours). Nous savons que ces mêmes réseaux sociaux et les échelles élargies de diffusion des médias traditionnelles sont des opportunités de construire la paix.

A un niveau individuel, chaque citoyen a la responsabilité immense de contribuer à nourrir la paix. Cela se fera, entre autres :

  • En réfléchissant chacun pour soi-même. Ce que nous disent les médias, les leaders religieux, les leaders politiques, les leaders économiques, l’ami-e, le/la collègue, le/la voisine est très souvent une opinion. Il est crucial pour l’être humain doté de sa propre raison de savoir prendre toutes ces opinions (avec leurs contradictions, leurs diversités, leur similitudes, leurs erreurs possibles etc), les digérer pour se faire sa propre idée.
  • En évitant les décisions et actes basées sur les émotions. Il est toujours contre-productif de se laisser guider par la peur, la colère dans ce nous entreprenons.
  • En analysant, avant coup, ce que l’on « partage » sur les réseaux sociaux. Du fait qu’il est très facile de « partager » (en fait « transférer ») les posts/messages/images que l’on reçoit des « ami-es » sur Facebook, Twitter, WatsApp, on constate que les fausses informations, les images discriminantes, les appels à la haine pullulent et circulent sans peine. Nous pouvons chacun contribuer à la paix en vérifiant un peu la véracité, la crédibilité et la portée des messages que nous véhiculons.

Par Niandou Ibrahim  http://nomaniandou.afrikblog.com/

21 novembre 2018

La politique tue-t-elle les talents au Niger ?

A Dr Elisabeth Chérif pour sa combativité... J’ai lu ce post, sur une page Facebook (de Monsieur Kalilou Cissé), ce matin: « La politique a tué nos talents ». Voici une affirmation qui ne peut se contenter du « j’aime » classique car, en vérité, c’est une incitation du citoyen à honorer son devoir de réflexion et de proposition, dans le contexte politique actuel du Niger, me dis-je. 
La politique est l’ensemble des technologies mobilisées pour faire fonctionner une communauté. Ces « techné » (du grec) incluent

Iyo

les idées, les ressources humaines, les ressources financières, les textes, les stratégies etc 
Dans notre pays, les batailles dans « l’arène » de la politique post-conférence Nationale semblent n’avoir pas suffisamment saisi tout ce sens de la politique. « Les hommes politiques » ont supplanté les idéologies politiques, à dessein, car ils savaient, avant Barack Obama et son discours du 11 juillet 2009, que "L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions".
 La politique idéale et noble pour le citoyen que je suis, est celle par laquelle les partis ou groupes de personnes qui, par volonté des électeurs ou par la force des armes (c’est le cas chez nous parfois), qui prennent les pouvoirs nationaux fassent tout l’effort pour mobiliser le maximum possible de ressources pour des investissements convenus et planifiés en vue du bien-être des nigériens. Ainsi, la différence des régimes n’aurait pas été le niveau de mise à contribution des êtres et des choses (puisque chacun l’aurait faite, toute chose égale…) mais la façon de les valoriser, c’est-à-dire, les stratégies, elles-mêmes déterminées par les éventails idéologiques et programmatiques. Or, je n’ai jamais vraiment pu trouver une logique entre les tendances idéologiques dont se targuent les partis politiques et leur conduite chaque fois qu’ils ont eu les moyens de démonstration, le pouvoir de gestion. J’ai toujours vu les nigériens soutenir, voter pour des personnes ; confondre le parti au leader du parti. J’ai bien vu quelques « Programmes » brandis mais destinés plutôt aux bailleurs qu’à mes concitoyens. Mieux présentés à l’extérieur qu’à Téra et Bilma. Le vide créé par ce désert idéologique dans les partis politiques, est sans doute la cause des poids surdimensionnés que prennent les chefs de ces partis, leur régionalisme et même leur pseudo-alternance, par filiation parentale. Oui, l’illisibilité des visions des partis n’est-il pas, finalement, la cause du clientélisme, de la corruption, de la marginalisation, de l’écrasement des talents et des compétences au Niger ?

Les choses me paraissaient à peu près claires jusqu’en 1987. Dans les traditions nigériennes, le chef et les membres de sa cour sont des personnes respectables et respectueuses, une incarnation de l’advertance, de la justice et de la compassion. Ces vertus essentielles ont été, pour l’essentiel (malgré donc quelques errements) préservées, défendues, véhiculées le long de notre histoire par les pouvoirs de nos chefs traditionnels puis politico-administratifs. J’ai personnellement eu l’immense honneur de rencontrer et d’écouter en privé Djibo Bakary, en ma qualité alors de militant politique de Sawaba. J’ai compris ce qu’il portait, avec ses compagnons du Mouvement, comme convictions. Les échos du RDA que j’ai me convainquent de la clarté des choix que proposait le RDA. La Société De Développement du MNSD parti d’Etat m’était compréhensible (jusqu’à un certain moment), avec son tremplin original Coopérative-Samariya-AFN. Je ne juge pas de la pertinence, mais je jauge la qualité de la communication des Visions. Il y avait sans doute eu des erreurs et des dérapages en leurs temps mais ils tentaient de partager leurs « rêves » aux citoyens. Ils assumaient leur identité. Ils couraient derrière des engagements de cœur. 
Au sortir de la conférence nationale souveraine, j’ai eu un grand espoir. Le grand nombre de partis politiques qui naquirent avec fortes explications doctrinaires, parfois frisant même du fanatisme, étaient autant de sources de formations politiques potentielles ; autant de possibilités de choix d’adhésion pour les nigériens, autant de richesses. Je suis convaincu que la force de la démocratie, c’est-à-dire de la participation de tous les talents, a un rapport de proportionnel avec la diversité de choix politiques disponibles. Un grand nombre de parti qui présente une diversité nette d’idéologie offre plus de liberté au citoyen de choisir vers qui il veut aller par l’espoir de mieux contribuer avec le talent qu’il porte. Socialiste, démocratique, progressiste, capitaliste, révolutionnaire…. Je voyais des nigériens excités, exaltés, par tant d’offres, en réponse à leur exorbitante demande de 1991. 
Hélas! Notre démocratie s’est vite mise à l’apprentissage du Hara-Kiri, par les mêmes bras qui revendiquent sa construction : Les « forces vives », dans une grande proportion, à travers un progressif remplacement de la cause nationale par des intérêts personnels et claniques. Aux premières élections des années ’90, nous, les nigériens les plus nombreux, qui avaient entre 20 et 40 ans en 1991 (J’en avais 26) rêvions d’avantage d’un régime qui pouvait instaurer la justice sociale ; qui mette en valeur chaque citoyen, convaincu que cela boosterait la production nationale, l’emploi, les services sociaux de qualité… J’eus, j’avoue, jusqu’au secret l’utopie d’un prolongement de Sankarisme sous mon ciel. 
Notre révolution semble avoir eu le coup cassé dans son œuf !! Notre démocratie est, depuis, une succession de bagarres pour garder le pouvoir et ses privilèges légaux et illégaux, décents et indécents. Notre histoire récente est une succession sinon une continuité de guéguerres pour rester au plus près des avantages et des préséances pour soi et pour les proches à tous les échelons des escaliers structurels et institutionnels de la République. Mon jardin est devenu une jungle. Qui aurait cru, au sortir de la conférence nationale, qu’un dirigeant politique nigérien osera encore, arrêter injustement, concocter des dossiers pour embastiller des adversaires, s’arroger des ressources publiques pour satisfaire des appétits familiaux irréguliers, pour faire taire une opinion discordante? Les étoiles de la conférence nationale, les enfants de l’ovation populaire sont devenus les principaux opposants de la liberté. Pour notre malheur, certains ne savent même pas qu’ils sont le problème. Que tous ceux (qui ont un morceau de pouvoir) qui me lisent se demandent en leur intime conviction, s’ils ne sont le problème ; s’ils (ayant eu le pouvoir) n’ont pas été le problème. Ces honnêtes gladiateurs de l’odyssée anti-démocratique ne démissionneront pas après mais j’espère qu’ils ont un ultime pan de conscience qui s’ébrouera, une seconde. A force de vouloir garder et fructifier des biens et des maîtrises exclusifs des décisions pour eux et pour leurs proches, ces désormais professionnels de la politique ont ignoré, écarté, humilié, piétiné, isolé, les millions d’autres talents qui auraient pu émerger, contribuer, participer, inspirer…et ça dure…
Nous sommes passés d’une époque où l’Etat dont les chefs insistaient à la mobilisation de chacun, à un état où on exclue délibérément celui qui n’est pas de « la mouvance présidentielle » ou « de la majorité » ou de « l’alliance au pouvoir »; on est si malin, qu’on a réussi à légitimer l’exclusion dans la démocratie. On excrète l’opposant, on le lui fait savoir et on le lui démontre par rétorsion successive: révocation ou débarquement (même les concepts utilisés sont choisis pour exacerber la douleur) ; « redressement fiscal » ou « casser le dos »…. A ces fins, on manipule les textes, on prend de nouveaux actes administratifs, on réaffecte ailleurs des projets, on sabote de l’utile, on construit du futile…. On gâte démesurément « les partisans politiques » même quand leur mérite s’arrête à cette sectaire et vulgaire fidélité de bande de potes. Nomination d’idiots somnolents sous le regard de compétents frustrés ; Impunité totale pour les « amis politiques » et autres alliés électoraux; On préfère sombrer et faire sombrer le pays que de sanctionner « le proche » ; On écrasera les textes et les institutions pour le bonheur d’un fils du clan. Chaque valse d’alliance, est suivie d’une lambada de nominations, par laquelle on jette bébé et eau du bain. Mes concitoyens de tous bords et même sans bords auront sans doute des exemples, chacun, de ces injustices et de ces inefficiences.
En observant et en écoutant les événements et échanges « politiques » au Niger, on remarque maintenant l’omniprésence de cette malsaine compétition où c’est à celui qui décrédibilise le plus l’autre ; le plus longtemps et les plus gravement possible ; à celui qui étale le mieux les défauts de l’autre ; à celui qui a le plus de génie pour dénicher d’innommables et de nauséabondes dossiers dans les poubelles de l’adversaire. Cette manie de nombre de « leaders politiques » (et des petites mains tapies dans leur tordu ombre) d’animer l’espace public ne choque plus. Au contraire, elle est banalisée, normalisée et adoptée par les militants et supporters de ces chefs de partis au point d’éclipser les sujets majeurs, objet originel de leur mission, que sont l’amélioration de la santé, l’éducation, l’environnement, l’économie, l’alimentation, la justice sociale, de la sécurité etc Mieux, elle est applaudie et promue, y compris à l’Assemblée Nationale où des attaques en dessous de ceinture sont acclamées.
Face à la persistance de cette logique, une grande partie de mes concitoyens se sont petit à petit résolu à s’aligner à la norme, à entrer dans la file des « prébendes » (comme on disait il y a dix ans), de « la mangeoire » (comme on dit maintenant), à se convaincre que le talent et la compétence paient moins que le lèche-bottisme, le béni-oui-ouisme. Quoi donc de plus normal, se disent-beaucoup, que d’adopter l’attitude qui permet de « réussir », dans cette ambiance ? Les comportements malsains mais efficaces (pour leur objectif) de chefs et sous-chefs qui s’accrochent au pouvoir, la tendance irrépressible du système face à la fragilité des contre-pouvoirs, la déception de constater que les plus jeunes qui pénètrent le système s’y conforment et se confortent, au lieu de tenter de le métamorphoser, ont vite convaincu bien des hardis que s’aligner est meilleur que de résister. Mon peuple semble être fatigué, semble vouloir se coucher, semble se résigner et laisser faire…Que de mauvais signes sous ces cieux de résistance et de combativité. 
Que restent-ils donc d’autres à faire ? La nature va réagir sans aucun doute. La révolution est inévitable. Pour la gérer sans violence, ma conviction est qu’une éducation civique massive et intensive de mes concitoyens doit s’entreprendre immédiatement. Dans les partis politiques comme dans la société civile et ailleurs, il y a des voix progressistes, certes parfois inaudibles ou ignorées, d’autres fois réprimées, qui méritent de se rencontrer afin d’arrêter cette descente aux enfers de la gouvernance politique dans notre Niger. #Iyo

Niandou Ibrahim est titulaire d’une maîtrise en communication. Il est consultant international et Directeur du Cabinet GREEF (Groupe de recherches, d’études et de formations), auteur (le surdoué Editions Afrique Lecture, 2010, la colère des agneaux Editions Alfa 2018), poète, homme de culture, blogueur (compte twitter non politique le plus suivi au Niger (https://twitter.com/IbrahimNiandou ).

21 novembre 2018

L’enseignant de l’éducation Nationale au Niger: Le diamant (auto)négligé de la mine ?

A Rayanatou Djenitondi Boubacar, enseignante à Madaoua : Ton cri de cœur a déchiré le ciel !!!

Iyo-niandou


Depuis plusieurs années, les conditions de l’enseignement se sont détériorées dans les écoles publiques au Niger. Cela a conduit à une dégradation de motivation des enseignants et une baisse de la qualité du contenu des enseignements. L’employeur qu’est l’Etat a-t’ il assumé ses responsabilités ? L’enseignant a-t’ il rendu toute la redevabilité requise face aux parents d’élèves ? Les citoyens nigériens ont-ils tenu une réaction civique pertinente dans ce contexte ?

L’école nigérienne est malade. Ce diagnostic-là est accepté à l’unanimité par les nigériens. Les débats sur le début de sa descente en enfer ; sur laquelle de telle ou telle réforme a été la plus déterminante dans cette traversée du désert ; sur quel régime politique de quels leaders politiques la vache a-t’ elle été la plus amaigrit, sont des analyses qui doivent se faire mais qui ne retiennent pas mon attention ici. Le plus important pour le Niger et pour les nigériens est de s’accorder sur le fait que le moteur est en panne et qu’il faut trouver les thérapies pour remettre la mécanique en marche.

L’école nigérienne est malade de la baisse de compétences techniques des enseignants. Jadis, ne pouvaient être enseignants que les meilleurs ; ceux qui avaient les cerveaux bourrés, les plus fertiles et les cœurs les plus gros. Ce n’est pas fortuitement que nos pays se sont réveillés en tant que pays, essentiellement entre les mains d’enseignants. Diori Hamani, Boubou Hama et les autres GRANDS. Je me rappelle que ce fut mon maître Sanda Mazaozé (Que Dieu ait son âme. Je lui ai dédié mon roman « le surdoué » en 2010) qui nous amenait voir les spectacles artistiques à la maison des jeunes de Dosso dans les années ‘70. C’est ainsi que j’ai vu le cirque chinois, Nahawa Doumbia et d’autres sons et lumières instructives à Dosso…Et ces soirées culturelles alimentaient les leçons du lendemain. Je me rappelle avoir gagné mon premier prix d’un concours artistique en 1977, parce que mon maître m’y avait inscrit, de son propre chef. Je me rappelle des visites que mon Directeur d’école (Cheick Khalid Djibo) rendait à ma famille et à d’autres familles d’élèves de la Médersa de Dosso. Je n’oublierai jamais la colère de « Monsieur » quand, par erreur, je lui ai dit que j’allais faire « la » lycée, induit en erreur par ce foutu « e muet » qui n’a rien à faire à la fin du « Lycée ». De mon CI à mon CM2, je n’ai jamais vu aucun de mes nombreux enseignants avec un vélo, une moto ou un véhicule. Chacun des lecteurs de ce texte aura sans doute souvenir des compétences, de la rigueur, du sacrifice, du leadership de ces hommes et femmes qui ne vivaient que pour la réussite de leurs élèves.

Les temps ont changé, depuis. L’école s’est retrouvée en laisser pour compte, transformée en cadre de gardiennage des enfants et « machine à problèmes » tenue par des « vulnérables ». Les explications à cette débâcle de l’école sont complexes.

La défaillance d’un nombre important d’enseignants en est un des facteurs : des jeunes gens sans formation de base, incapables de transmettre des connaissances qu’ils n’ont pas, eux-mêmes ; des jeunes filles et garçons qui ne prennent la craie que pour ne pas « chômer » arrivent en contingents entiers, mal payés, mal formés. La personne qui ne peut solidement s’exprimer en français ne peut enseigner efficacement ni le français ni une autre matière en français. La personne qui ne vient à l’enseignement que par défaut ne peut se sacrifier comme maître Sanda Mazaozé, à payer des tickets de spectacles à toute une classe ; ne peut, à pieds, comme Oustaz Khalid, sillonner les domiciles des dizaines d’enfants. L’école s’est retrouvée avec des milliers d’enseignants qui dédaignent de rester au village. Le village, c’est cet endroit sans électricité, sans eau courante, sans internet peut-être, sans tous les privilèges et le réseau d’amis de la fada, qui donnent les luxes du standing et font l’identité du bourgeois que l’on veut parfois être. La vie au village est très difficile. C’est pourquoi, la majorité des jeunes enseignants du milieu rural vit en ville, dès que possible. On se transporte le matin au village pour dispenser les cours et on revient le soir chez soi. On y va lundi matin pour tenir la classe et on en repart vendredi soir pour son domicile en ville. Où sont donc mises les autres fonctions de l’enseignant ? le rôle social (conseiller du chef de village et autres, négociateur, humain, morale etc)  politique (éducation civique, éclairage sur la République et son fonctionnement, sur le rôle de partis politiques, organisations d’initiatives dans le village etc), économique (formation des parents d’élèves, éclairages sur la gestion, investissements dans le village, contribution du salaire à l’économie du village etc)? la précarité financière et intellectuelle a tué des fonctions importantes de l’enseignant.

L’Etat du Niger a fait preuve d’un amateurisme aberrant dans la gestion de l’éducation publique. Des erreurs si graves qu’on pourrait se demander s’il n’y avait pas une volonté de bradage de l’école sur l’autel d’autres intérêts. Il est vrai qu’il connut et connait des pressions exogènes diverses (sur lesquelles je ne m’étale pas, sachant que nous devons assumer nos faiblesses en négociation face à ces influences externes) dont les enjeux sont plutôt de la survie du régime politique. Entre tuer son école ou se faire étrangler par les bailleurs et créanciers (ce sont les mêmes), il a presque toujours choisit « la réforme » assassine et le minable IDH. Ainsi, nous eûmes des réformes de retraite (départ massif d’enseignants confirmés pour des raisons d’économie budgétaire,…), de rémunération (des yoyo et des retards salariaux, des conciliabules sur des indemnités …), de profil de recrutement (politique du moins-disant qui sous-entend on recrute plus grand nombre mais moins instruit en payant moins), de budget de crise (des enveloppes budgétaires en deçà du nécessaire pour les besoins …), d’organisation politique (Ministères et réorganisations structurelles, transfert de charges sur des structures associatives etc), de gouvernance du système scolaire dans le sens de la gestion professionnelle, diligente, rigoureuse des décisions. Tant de paillottes n’offre pas de conditions d’études ; tant de manque de fournitures, de matériel pédagogique, ne peut permettre un apprentissage efficace. Je viens de lire, ce 1er novembre 2018, sur le compte Twitter de @Impulseur (Ibrahim Tanimoun) qu’aucun texte d’auteurs nigériens ne serait étudié dans les collèges et lycées du Niger. Quand ces jeunes gens reviendront pour enseigner, ce sera sans connaître grand ’chose de cette si riche littérature de leur pays. Ces bévues énumérées ne sont ni exhaustives ni détaillées.

Je m’en voudrai de ne pas dire aussi, ici, le mal que fait la mauvaise communication de leaders politiques de premier plan à certains moments déterminants dans l’histoire de gouvernance récente de l’école au Niger. Une personnalité publique, peut importe son niveau de légitimité et impression de puissance, doit pouvoir maîtriser ses émotions (même quand il est convaincu que ces citoyens « exagèrent ») et doit savoir remuer sa langue à deux fois avant de s’exprimer sur une corporation entière aussi importante que les enseignants. Nous sommes témoins de la virulence des adjectifs qualificatifs démoralisants jetés souvent sur toute ou grande partie de la profession enseignante au cours des 30 dernières années. L’Etat doit reconnaitre la valeur des enseignants dans les discours et dans les récompenses. C’est comme cela qu’il peut exiger des résultats et sanctionner équitablement.

Les parents d’élèves ont une responsabilité dans le délitement de l’éducation : l’insuffisance de suivi des enfants à la maison et à l’administration de l’école en est un exemple.

La société civile a une responsabilité dans la persistance de la situation : l’insuffisance de mobilisation quand il s’agit d’exiger le respect des engagements et des responsabilités des acteurs, notamment de l’Etat en est un exemple. On voit bien comment d’une centrale syndicale unique, le mouvement s’est fissuré, divisé, morcelé, affaiblit…On voit bien comment un syndicat du secteur est abandonné à lui-même en cas de bras de fer autour de revendications…Le soutien mutuel entre syndicats est devenu conditionné, calculé, rare.

Les médias également pourront mieux faire sur ce chantier, ne serait-ce qu’en démultipliant d’avantage les reportages sur la vie réelles des écoles dans le fin fond du Niger.

Le secteur privé, dans bien des cas, a oublié sa responsabilité sociale vis-à-vis de ces terroirs d’implantation dont elles pompent les richesses et polluent l’environnement, parfois depuis bien longtemps.

Chaque citoyen nigérien, témoin de cette décomposition continue que vit notre système scolaire a le devoir de transformer mon insatisfaction en action. Ne serait-ce qu’en interpellant les tenants du pouvoir sur ces altérations de l’école dont nous sommes témoins ; ne serait-ce que pour crier notre reconnaissance envers ces hommes et ces femmes par qui nous avons appris tant de choses bénéfiques : ne serait-ce qu’en aidant nos frères et sœurs enseignants à se convaincre que le Niger a une bonne image d’eux et qu’ils doivent avoir une bonne image d’eux-mêmes, pas celui de « pauvres enseignants ».

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